de Benjamin Décosterd, (initialement) pour se lever à 8h20

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Paléo 2022, ou me rendre compte que j’ai changé

Dans la vie, il y a certains événements récurrents qui permettent de faire le bilan et voir où l’on en est par rapport à la dernière fois. Je pense à Nouvel-An, aux anniversaires, ou à la non-attribution des Jeux Olympiques à la ville de Sion.
Paléo est aussi l’un de ces événements.

Par pudeur, je vais ici vous épargner le détail des changements dans ma vie depuis la dernière édition du festival.
Par vanité, je vais quand même lister les plus chouettes (mariage avec une femme incroyable, accès à la propriété et carrière « en faux plat montant » comme dirait Nathanaël Rochat).

À titre personnel, cette édition m’a permis de constater que j’étais plus vieux qu’en 2019 et encore plus qu’en 2017 et oui je sais, cette révélation est entre le niveau « influenceuse » et « coiffeur qui ne sait plus quoi dire ».

Rembobinons.
Mardi soir, plaine de l’Asse. Bar le « Cosmo », accessible avec un bracelet qu’on vous offre si vous êtes connu ou important et qu’il faut quémander si vous avez une carrière en faux plat montant.

Fin de fondue avec Antoine Hürlimann – excellent journaliste, bonne personne, mauvaise hygiène de vie: tout ce qu’on aime.
Nous sommes rejoint par M. dont je ne révèlerai pas le prénom, un peu parce qu’il fait anonymement des mèmes sur un compte très suivi et beaucoup parce que je ne connais pas son prénom.

Il parle fort quand il a bu, il est malin, jeune et sûr de lui: on dirait moi il y a quelques années, c’est vous dire si j’ai des raisons de le trouver insupportable.

Il ne m’a fallu que 13 minutes de discussion pour craindre que les mèmes finiront par ringardiser à peu près tout le LOL en Suisse romande (franchement, qui prend le temps d’écrire ou lire des trucs de plus de 10 mots pour se divertir? Vous et moi, oui. Mais nous sommes pris dans le tourbillon de la vie qui nous pousse immuablement vers la ringardise, alors que nous sommes trop vieux, ou Suisses, pour mourir d’une overdose afin de paraître cool, sachant que paraître cool est déjà une expression ringarde).

Oui, 13 minutes, soit le temps de s’envoyer quelques vannes (« Ça va M., c’est pas trop difficile de voler des images sur Google pour ajouter une blagounette dessus? ») et quelques vérités (« Benjamin, on dirait que tu es de droite. »).

Au milieu, Antoine fait l’arbitre. Lui aussi est plus jeune que moi et je sens bien que l’on me regarde comme le Johan Vonlanthen de la chronique en je: un éternel espoir qui ne le sera plus pour longtemps.
Pire encore, Hürlimann se lance dans les textes à la première personne. Je vous laisse lire, me dire quels textes vous préférez et pourquoi les miens.

Bref, je pars avant que la discussion tourne mal, soit au moment où je n’aurai plus de répartie.

Heureusement, la soirée s’est bien finie, avec mes cousins qui ont la décence d’avoir environ le même âge (ou un peu moins, mais d’être déjà parents). Et surtout d’avoir les réflexes de cet âge: prendre de la crème solaire et un bon thermos pour y remplir du mauvais rosé et le garder frais.

Mais rassurez-vous, ce Paléo m’a aussi permis de constater qu’il y a des choses qui ne changent pas:

En tant que festivalier, j’ai toujours autant de plaisir à y être (parce qu’y aller et en revenir, quand on est vieux dans sa tête c’est une autre histoire).

En tant que consommateur de médias en général, il y a aussi une constante. Toutes les rédactions continuent à se retrouver dans les champs de l’Asse (pour en faire tout un foinPTDR), dans une sorte de publireportage géant qui permet à peine de broder des actualités sur ce qui pourrait se résumer à « Juste, si jamais y a des concerts à Nyon ».

Alors qu’il y aurait de vrais sujets à creuser. Comme le retour d’un grand stand de fabriquant de cigarettes. Ou l’incendie sur le parking des employés.
Pour rappel:

20 Minutes

Heureusement que ça ne s’est pas déclenché dans le parking des bénévoles ça aurait fait beaucoup plus de voitures cramées. Ça va, je rigole pour taquiner: je sais bien que les bénévoles n’ont pas de parking.
(En plus, je crois que c’est faux mais que vaut la vérité face à une vacherie?)

Après, il faut avouer que l’été est une période médiatiquement compliquée, surtout quand Alain Berset ne pilote pas d’avion:

24 Heures

Bien que le terme de « Spiritualité décorative » mériterait une digression de 7’000 signes, je crois qu’on va s’arrêter ici. Je dois commencer à me réjouir d’y retourner samedi. Parce que – comme tous événements récurrents qui permettent de faire le bilan – au fond on aime bien.

Surtout la non-attribution des Jeux Olympiques à la ville de Sion.

Picoler à l’anniversaire de Blick

« Y a-t-il un moment où le présent est si agréable que l’on sait tout de suite qu’il deviendra un passé que l’on cherchera à revivre? » C’est la question que je me suis posée en montant les marches qui menaient au rooftop du Flon sur lequel avait lieu la fête d’anniversaire de Blick suisse romande.

Parce qu’il faut bien l’admettre: depuis la soirée chez Fred Valet, aucun récit mondain n’a fait le poids. Même si tous les ingrédients étaient réunis pour une bonne soirée: trop de journalistes, trop d’artistes, trop d’alcool et pas assez à manger.

À peine arrivé en haut des escaliers, que j’ai déjà perdu Jérémy Seydoux, croisé sur le chemin (« C’est sympâ Lausanne, très popu comme ça »). Il a vu Micheline Calmy-Rey: je ne peux pas rivaliser.
Heureusement, Natalie n’a pas cédé aux sirènes fédérales. Je sens dans son regard que – tout comme moi – elle cherche le bar.

Il y a quelques années, j’aurais compartimenté et préféré aller picoler qu’avec les potes; aujourd’hui, Natalie est aussi l’une de mes potes. Mon gars sûr pour médire et trinquer. C’est la femme et le pote de ma vie: au fond, c’est elle le présent que je cherche perpétuellement à revivre.

1er verre
Un Hugo pas dingue mais gratuit. Donc toujours plus appréciable que les Hugo pas dingues mais à 15 balles qu’on nous sert dans les bars du Flon le reste du temps.
L’équipe de Blick est là. Au bar, Grégory Beaud, me confirme que cet article ne sera certainement pas aussi bon que celui chez Fred Valet. Grégory ajoute qu’après son premier (et donc meilleur) album, Jeff Buckley s’est suicidé.

Voilà.

Les fans de hockey ont toujours été très fins. Peut-être parce qu’il est plus difficile de mettre les pieds dans le plat avec des patins.
Pour ce qui est de la rigueur journalistique, on repassera:

Aujourd’hui encore, les circonstances de la mort de Buckley n’ont pas clairement été cernées. (…) La thèse de l’accident est privilégiée (…).

La page de wikipÉdia de Jeff Buckley

N’empêche que Grégory Beaud a raison: Je ne vais plus me coucher sans mettre de la crème « contour des yeux » (qui ne fait qu’hydrater mes cernes); Je fume une cigarette électronique; J’ai deux troisièmes piliers et envie que l’on instaure des wagons silence dans tous les trains et les bus.
Je deviens vieux (con?): ce n’est plus ce que c’était.

2ème verre
Du rosé. Et vite. Si l’alcool en général est mauvais pour la santé, le verre de rosé est certainement ce qui se rapproche le plus du concept de suicide.

Natalie et moi faisons un tour, ne sachant pas à qui aller parler. C’est toujours le risque avec ce genre d’événements: un mauvais choix et vous êtes coincé pendant 15 minutes avec quelqu’un qui n’est pas très intéressant, alors que vous entendez, tout autour de vous, des conversations plus importantes que « quand même, cette variole du singe… »

Quentin Mouron vient nous demander où sont les accras de morue, nous expliquant que c’est ce que dit Bernard Werber à chaque salon du livre.
Quentin Mouron est très content d’être ici. Il faut dire qu’à l’époque des influenceurs, être invité en tant qu’écrivain épuisé en librairie (et épuisant en soirée) tient du miracle. (Cet homme a trop d’énergie).

Il y a quand même des influenceurs et influenceuses: Smartphone dans la main, sacoche et faille narcissique en bandoulière, ou tout autre accessoire/vêtement que le commun des mortels ne pourrait pas assumer. L’outfit est calculé à défaut d’être pratique ou même utile. Métaphorique de la profession? Cette pensée vous appartient, je ne fais que tendre les perches.

Bref, après les morues de Werber, pas le temps de découvrir d’autres ragots littéraires (la matière des chaussettes de Joël Dicker, l’épaisseur de la couche de tartre de Michel Houellebecq): il est déjà l’heure de la partie officielle.

3ème verre
Toujours du rosé, discours oblige. Michel Jeanneret prend la parole. Dans les grandes lignes, ça donne quelque chose du genre de « C’est super de vous voir ici, bravo à toutes les équipes, merci à Zurich de ne pas nous avoir viré pour le moment. » Ajoutons encore le récit du lancement de Blick (qui a d’ailleurs jusqu’au bout failli s’appeler Blique, lol. C’est quand même fou comme les sessions brainstorming peuvent maintenir en vie des idées nazes pendant longtemps.)

Bref: simple, efficace, tout le monde pensait pouvoir reprendre ses conversations. Mais les événement organisés par les médias sont visiblement comme les petits cafés du coin « avec des illustratrices qui ont fait les tableaux et des vases qu’on a chiné »: il y a toujours une table ronde.

David Lemos, Nathalie Pignard-Cheynel, Michel Jeanneret, Micheline Calmy-Rey et Marc Walder allaient donc reproduire, sous nos yeux, le sempiternel débat de l’avenir de la presse « dans un monde qui change et se digitalise. »
Rapidement, le terme de metaverse est prononcé. Les NFT allaient suivre: il fallait agir vite…

4ème et 5ème verres
Deux d’un coup, toujours du rosé, web32.0 oblige.
Le débat a commencé par vingt minutes durant lesquelles Michel Jeanneret a posé des questions à Marc Walder pour que ce dernier puisse caser ce qu’il avait prévu de dire. Ceux qui organisent la discussion se parlent à eux-mêmes pendant que les invités écoutent: on se serait cru dans un podcast. Michel Jeanneret, le Miroslav Stevanović de la presse romande: passeur décisif.

À propos de foot, David Lemos a quand même pu en placer une, se lançant dans une comparaison osée entre les sportifs et les politiciens: sortie de balle risquée mais finalement efficace. Bon, il faut dire que depuis Suisse-France, je mets notre commentateur national sur le même piédestal que Mario Gavranović (je suis sûr que sans ses cris de joie sur le 3-3, la France aurait gagné les penaltys).

Micheline Calmy-Rey (assez marrante car plus rien à foutre de ce qu’on pensera de ses propos ou de sa veste Playboy) a raconté la fois où le Blick s’était intéressé à ses nouvelles lunettes, plutôt qu’à ses idées. Et c’est vrai que c’était injuste de se focaliser sur ses lunettes: à l’époque il y avait tellement plus à dire sur sa coupe de cheveux.

Pour la suite, si les conclusions de cette table ronde vous intéressent, elles sont disponibles ici. Du côté de Natalie et moi, l’attention absolue que nous portions à ce débat crucial a été détournée par la présence d’Antoine Droux que nous n’avions jamais rencontré et que nous voulions absolument remercier pour sa voix rassurante du matin, dans Médialogues (quand on a une skincare routine de couple, évidemment qu’on écoute La Première). Sans parler des excellentes revues de presse de Valérie, son épouse…
Bref, nous devions aller faire les groupies.

7ème verre
Une fois la table ronde finie, Natalie et moi avons pris notre courage à deux main et du champagne dans les deux autres et sommes allés voir Antoine Droux (enfin c’était du Prosecco, mais si l’on ne peut pas romancer sa vie, que nous reste-t-il?)

La musique couvre la voix d’Antoine Droux. À défaut de pouvoir pleinement boire ses paroles, je descends ma coupe de champagne trop vite. Problème: les plateaux de petits fours salés sont trop loin. À distance de bras, il n’y a que des légumes à tremper dans une sauce qui finira invariablement sur ma chemise. J’abandonne. Nouvelle coupe de champagne.

Avant de vouloir revivre le présent, il faudrait déjà pouvoir s’en rappeler.

9ème verre
Au loin, les rires de Jérémy Seydoux, Fathi Derder et Nicolas Capt claquent contre le torse apparent d’Alexis Favre. Je ne sais pas si c’est les coupes de champagne ou mon imagination mais ils feraient un super boys band de PLR genevois. Quentin Mouron, malgré le titre de son dernier bouquin (Pourquoi je suis communiste), se joint à la bande.
Passé une certaine heure, rigoler avec des mecs de droite c’est un truc de rebelles de gauche. Moi-même je me retrouve à causer PPE avec Jean-Luc Duvoisin, c’est vous dire. Pour compenser, je suis allé discuter avec des Vert.e.s vaudois.

Après avoir écrit pour watson, je festoie chez Blick: il faut bien que je me rassure sur le peu de convictions qu’il me reste.

Les verres d’après
Ensuite, j’ai parlé livres avec Marc Volten Nicolas Feuz, bu du rouge, peu articulé avec Thomas Wiesel, suis repassé au blanc, Antoine Hürlimann m’a dit ce que je pouvais écrire ou non ici (du moins quelles saloperies je ne devais pas lui attribuer), ai reçu un rhum(?) coca, ai appris ce que c’était de porter un format (littéralement) à bout de bras grâce à Margot Delévaux. J’ai même trouvé une influenceuse fribourgeoise très sympa, c’est vous dire.

Aucun accroc, ni élément narratif digne de transformer cette conclusion en autre chose que du name-dropping aussi long (au ressenti) qu’une table ronde sur l’avenir de la presse.
Juste l’impression d’être du bon côté du complot médiatico-politique avancé par celles et ceux qui n’ont pas cru au Covid. D’ailleurs, si vous êtes dans ce cas, je vais être obligé de vous décevoir: le seul projet (pas si secret) c’est de boire des verres.
Ça ne fait pas gouverner le monde, mais ça donne des soirées sympas.

Quant à vouloir revivre ce genre de passé, on va quand même attendre d’avoir moins la gueule de bois.


PS: Si vous voulez le récit d’une soirée épique chez Fred Valet, c’est par ici.

Berne, capitale du cool?

New-York est 12x plus cool que Lausanne. Je suis arrivé à ce constat en comparant le nombre de visionnages des webcams live de la capitale vaudoise avec celle de la Big Apple.

Et quid de Berne, où je vis désormais? Cette ville est-elle d’un ennui tel qu’il faudrait y déterrer ce blog ou regarder des webcams ailleurs dans le monde, passant de la place de la Palud à Times Square, comme on zapperait « les Anges de la télé-réalité » pour « Les Marseillais à la bibliothèque » (émission qui n’existe pas encore, mais qui a un potentiel conflictuel infini)?

J’ai failli chercher webcam Berne sur Youtube (pour comparer le nombre de vues), avant de m’apercevoir que si je voulais voir Berne je n’avais qu’à regarder par la fenêtre. Je présume que cette réflexion vous inquiète, mais dites-vous que celles et ceux nés en 2004 doivent trouver cela tout à fait normal et qu’ils et elles ont le droit de vote.

Bref, pour connaître la jauge du cool de Berne, il suffit de revenir au moment où Natalie et moi avons annoncé que nous allions y déménager pour un an et demi. Et de voir la réaction de nos proches (jeunes citadins à tendance « abonnements à des paniers de légumes »).

C’est plus efficace de regarder la pluie par la fenêtre, car soyons honnêtes quant au monde dans lequel nous vivons: peu importe que ce soit cool pour les personnes concernées, tant que cela en a l’air pour les autres.
Donc, voici la réaction (plutôt unanime) de nos proches:

– Ah super. Vous déménagez quand? Pour combien de temps?
– Bientôt, pour un an et demi.
– Du coup, vous louez votre appartement?
– Oui, on va essay...
– Vous avez trouvé des gens?Vous reviendrez les week-end?BenjamintuvasfairecommentaveclesuisseallemandLOOL?

Mais surtout – tels des aventuriers du Lifestyle – leur sentence était irrévocable:

Berne, c’est vachement chouette, surtout en été. Et puis, les gens sont vraiment sympas.

Bien que ce mardi moche (15 degrés pour 10 minutes d’ensoleillement et 6% de motivation) soit éloigné de ma conception de « ce qui est vachement chouette en été », je dois me rendre à l’évidence:

Berne est cool. C’est mon mardi qui l’est moins.

Cela étant, mes proches se sont peut-être trompés sur la sympathie des Bernois. En effet, au moment où j’écris ces lignes, une dame peine à masquer un ton passif-agressif en témoignant sa déception quant à l’absence de « vin sans alcool » à la carte du bistrot dans lequel j’écris:
« – Non mais parce qu’en Allemagne, il y en a partout, si jamais. » Pas déstabilisée, la patronne du bistrot ne bronche pas.

Ça fait beaucoup d’informations à encaisser et d’éléments à décoder, je sais. Allons-y dans l’ordre:

1/ Déjà, comment être sûr que cette dame soit Bernoise? Ses orteils et sa gourde termos dépassent respectivement d’une paire de Birkenstock et d’un Totebag. Alors oui, on était à une paire de Stan Smith d’avoir affaire à une Lausannoise. Mais 2-1 pour les orteils et la localisation.

2/ Ensuite: du vin sans alcool. Vraiment? Oublions un instant l’absence TOTALE de différence avec du jus de raisin, et concentrons-nous sur le fait que le seul alcool sans alcool (mon dieu, ce concept) qui soit bien fait, c’est le Rimus.
Un peu pour le côté « Madeleine de Proust » mais beaucoup parce que c’est du jus de pomme: le lendemain, tu as le bide retourné comme après une vraie cuite.

3/ Finalement, s’il fallait s’inspirer de l’Allemagne en toute situation, vous ne pourriez pas vous demander si ces lignes relèvent du point Godwin ou non.

Bref, tout cela pour dire que je suis à Berne. Je ne suis pas encore en mesure de réaliser mon rêve – à savoir transformer ce blog en Vanity Fair du Parlement (les ébats y semblant plus intéressant que les débats) – mais écrire ici est déjà un premier pas.

Pour ce qui est de la météo, je crois qu’il va faire beau la semaine prochaine.

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