de Benjamin Décosterd, (initialement) pour se lever à 8h20

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Il faut bien vivre de quelque chose

Voilà ce que j’ai envie de répondre à toutes celles et ceux qui se baladent encore dehors, l’individualisme crasse et la naïveté fière, répétant – dès qu’ils le peuvent – « qu’il faut bien mourir de quelque chose ».

Il faut bien vivre de quelque chose. Nous l’apprenons à nos dépends. Que ce soit de divertissement facile (Netflix, Smartphone, Playstation, chasselas), ou d’activités moins accessibles en apparence (lire, cuisiner, méditer, faire du sport à la maison mais sans le montrer sur Instagram).

Cette situation n’est facile pour personne :

Il y a celles et ceux qui sont « au front » et que nous applaudissons chaque soir à 21h. Ceux dont la précarité pouvait faire rire (dans les magasins, les entrepôts ou les rédactions), ou dont les privilèges pouvaient faire grincer (dans les cabinets médicaux ou les parlements). Ils et elles sont nos béquilles, en faisant que ça marche aujourd’hui, tout en sachant qu’on risque de les oublier demain.

Il y a ceux dont le front renferme des décisions difficiles à prendre (Daniel Koch, Alain Berset). Leur front qui est devenu interminable, à force de devoir faire des choix qui font réagir tout le monde, mais qui ne semblent plaire à personne.
Pas qu’ils n’aient pas de soutien, non, mais de nos jours les plaintes sont plus bruyantes que l’approbation.

Et puis, il y a les autres. Le reste. Toutes celles et ceux qui doivent encore accepter d’être « non-essentiels ». La survalorisation (sociale ou salariale) de certains métiers rend la chose encore plus compliquée à admettre.

Je le sais, puisque je fais partie de cette catégorie.

Un jour, on a des responsabilité, un emploi du temps et du pognon. Et le lendemain, on devient la marge. Alors pour ne pas y penser, on gesticule, on écrit, on filme, on « story » ou on « live ». C’est humain et compréhensible, mais c’est aussi un peu nul. Être débordé était un symbole de réussite professionnelle. Avoir le temps de réfléchir à sa propre inutilité rend les angoisses très existentielles.

On dit qu’on le fait « pour les autres », pour relayer la bonne parole, pour faire réagir nos autorités ou pour amuser. Mais on le fait surtout pour nous. L’humain occidental peut survivre quelques mois sans culture. Pas sûr que ce soit le cas de son ego.

Je le sais, puisque je suis en train d’écrire cet article.

La création de contenu sur les réseaux sociaux a été pensée comme un moyen de combler une faille narcissique. En confinement, la faille devient une falaise. Et le contenu nous empêche d’y sombrer définitivement.

L’idée n’est pas forcément de se taire, ni de se terrer dans la culture existante (quoiqu’écouter l’intégrale de Brel vaut peut-être mieux que de voir un live d’influenceur). Mais simplement de tourner quelques fois son pouce autour de son Smartphone avant de poster quelque chose.

Pas trop non plus.
Parce qu’il y a – dans nos appels au secours 2.0 – des choses magnifiques, drôles, touchantes.
Aussi parce que je risque de continuer à écrire / filmer / photographier des chose ces prochains jours.
Et encore parce qu’au début de cet article, je détestais l’humanité. Maintenant, je l’aime bien.

Bref, nous sommes humains et un peu nuls. Mais c’est aussi cela qui nous rend très attachants.

Les Beaux Parleurs – 22 mars

Ne regarder que la RTS pendant une journée à cause du confinement, c’est possible ? Oui.

Le sujet-dont-on-n’a-plus-besoin-de-prononcer-le-nom

À défaut de ne pas en parler, essayons au moins de ne pas le mentionner, ça nous fera deux minutes de pause.

Cette fin de semaine commence à ressembler aux 15 premières secondes d’un casting pour un rôle féminin avec Harvey Weinstein : en apparence, tout est normal mais on sent bien qu’il y a quelque chose qui va déconner.
Je suis réveillé depuis 6h ; c’est la preuve que ça ne tourne pas rond.

L’actualité est passée des médias à nos corps. Doucement, elle est entrée sur nos listes de courses et s’est imposée dans nos discussions. Maintenant elle commence à nouer nos gorges.
Moi qui trouvais que le monde médiatique rebraquait trop rapidement ses projecteurs, je découvre que le martèlement ne me convient pas non plus. Le sujet est omniprésent, comme la Fête des Vignerons en son temps. L’annonce du déficit arrive juste un peu plus vite.

Dans un monde de zapping virtuel, rester bloqué sur la même chaîne finit par être flippant. Et là, en plus, la chaîne ressemble à BFM TV. Partout. À la machine à café, autour d’une bière, avant le sport, sur les réseaux… Sur mon Facebook, les perpétuels indignés (contre l’Etat, les étrangers mais aussi les racistes et la cohérence, visiblement) sont passés d’une indignation due à un excès de zèle à une indignation due aux écoles encore ouvertes. Les indignés de mes réseaux n’ont pas d’enfant, je crois.
Encore plus symptomatique de l’ampleur de la situation, les humoristes sont passés des blagues aux messages de prévention.

Je sens bien qu’il faudrait parler d’autre chose. Mais « autre chose » est annulé. Et « autre chose avec plus de 300 personnes » risque bien de l’être aussi, dès cet après-midi. Pourtant, les gens ont besoin de ces autres choses. La preuve, avec les articles plus lus du site de 24 Heures. (Pour une fois qu’un titre genre « LE 5 VA VOUS ÉTONNER » n’est pas usurpé) :

Et même quand on parle vraiment d’autre chose, on ne peut pas s’empêcher d’y penser :

Donc bon, quelques réjouissances de niche et autocentrées :
Depuis que Netflix produit de la télé-réalité (Love is Blind), j’ai commencé à en regarder. Avec le même argument con que tous mes proches qui le faisaient. « Non mais c’est juste pour voir comment c’est con, hein. » Argument qui marche aussi si vous suivez des infleunceures/euses, comme Agathe Auproux, sur Instagram.
C’est bien la preuve que le jour où Netflix se met un produire un programme qui rassemble tout ce que je ne supporte pas, je le regarderai quand même. Et vous m’entendrez dire qu’il faut absolument voir la saison 2 de « Si j’aurais voter UDC : raifort, mon nez de profil et les gens qui marchent lentement. Mike Horn. »

Autre motif de réjouissance : je vais pouvoir tester ma cocotte Le Creuset avec un ragoût, tout en écoutant un podcast de France Culture.

En fait, je crois que je commence à comprendre pourquoi je flippe un peu : si je regarde mon mode de vie, je suis dans la tranche d’âge des personnes à risque.
Je me suis réveillé à 6h ; je vous avais bien dit que quelque chose ne tournait pas rond.

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