Voilà ce que j’ai envie de répondre à toutes celles et ceux qui se baladent encore dehors, l’individualisme crasse et la naïveté fière, répétant – dès qu’ils le peuvent – « qu’il faut bien mourir de quelque chose ».

Il faut bien vivre de quelque chose. Nous l’apprenons à nos dépends. Que ce soit de divertissement facile (Netflix, Smartphone, Playstation, chasselas), ou d’activités moins accessibles en apparence (lire, cuisiner, méditer, faire du sport à la maison mais sans le montrer sur Instagram).

Cette situation n’est facile pour personne :

Il y a celles et ceux qui sont « au front » et que nous applaudissons chaque soir à 21h. Ceux dont la précarité pouvait faire rire (dans les magasins, les entrepôts ou les rédactions), ou dont les privilèges pouvaient faire grincer (dans les cabinets médicaux ou les parlements). Ils et elles sont nos béquilles, en faisant que ça marche aujourd’hui, tout en sachant qu’on risque de les oublier demain.

Il y a ceux dont le front renferme des décisions difficiles à prendre (Daniel Koch, Alain Berset). Leur front qui est devenu interminable, à force de devoir faire des choix qui font réagir tout le monde, mais qui ne semblent plaire à personne.
Pas qu’ils n’aient pas de soutien, non, mais de nos jours les plaintes sont plus bruyantes que l’approbation.

Et puis, il y a les autres. Le reste. Toutes celles et ceux qui doivent encore accepter d’être « non-essentiels ». La survalorisation (sociale ou salariale) de certains métiers rend la chose encore plus compliquée à admettre.

Je le sais, puisque je fais partie de cette catégorie.

Un jour, on a des responsabilité, un emploi du temps et du pognon. Et le lendemain, on devient la marge. Alors pour ne pas y penser, on gesticule, on écrit, on filme, on « story » ou on « live ». C’est humain et compréhensible, mais c’est aussi un peu nul. Être débordé était un symbole de réussite professionnelle. Avoir le temps de réfléchir à sa propre inutilité rend les angoisses très existentielles.

On dit qu’on le fait « pour les autres », pour relayer la bonne parole, pour faire réagir nos autorités ou pour amuser. Mais on le fait surtout pour nous. L’humain occidental peut survivre quelques mois sans culture. Pas sûr que ce soit le cas de son ego.

Je le sais, puisque je suis en train d’écrire cet article.

La création de contenu sur les réseaux sociaux a été pensée comme un moyen de combler une faille narcissique. En confinement, la faille devient une falaise. Et le contenu nous empêche d’y sombrer définitivement.

L’idée n’est pas forcément de se taire, ni de se terrer dans la culture existante (quoiqu’écouter l’intégrale de Brel vaut peut-être mieux que de voir un live d’influenceur). Mais simplement de tourner quelques fois son pouce autour de son Smartphone avant de poster quelque chose.

Pas trop non plus.
Parce qu’il y a – dans nos appels au secours 2.0 – des choses magnifiques, drôles, touchantes.
Aussi parce que je risque de continuer à écrire / filmer / photographier des chose ces prochains jours.
Et encore parce qu’au début de cet article, je détestais l’humanité. Maintenant, je l’aime bien.

Bref, nous sommes humains et un peu nuls. Mais c’est aussi cela qui nous rend très attachants.