Si Marcel Duchamp a montré au monde entier qu’un urinoir pouvait être une œuvre d’art, un débat du National peut bien faire l’objet d’un article de blog. C’est ce que je me suis dit hier soir. Ma soirée avec commencé en errant dans les méandres d’Internet, à la recherche d’inspiration, regardant les chroniqueurs du week-end et du début de semaine pavaner leur capacité à écrire.

Je me suis rapidement rendu compte que c’était contre-productif. Déjà parce qu’après 10 minutes je me suis retrouvé à regarder un reportage avec deux asiatiques qui s’engueulaient, sans que je sache véritablement pourquoi. Et puis parce que ça me décourageait d’écrire quoi que ce soit.

Finalement, j’ai atterri sur la homepage de 24Heures.ch qui annonçait en grande pompe “Le débat du National sur les pédophiles en direct.” Et je me suis dit, pourquoi pas ? Allez, combattons l’ennui apparent de cette retransmission. Après tout, j’ai déjà vu un mariage religieux et parlé avec un enfant de moins de 6 ans.

J’ai donc démarré le visionnage de la session parlementaire, en mangeant mon repas du soir et en étant désormais convaincu que tous les lundis ne pouvaient pas être excitants.

Arrivé en cours de route, je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il se passait. Ni pourquoi un type – à la moustache mieux taillée que le costume – avait presque la même voix que Claude-Inga Barbey. Il m’a fallu deux minutes pour établir qu’il y avait une traductrice visiblement saoulée de traduire des trucs puisque, comme la comédienne genevoise, elle soupirait plus l’ennui qu’inspirait la joie de vivre.

Mais les élus étaient en train de parler exhibitionnisme. Je me suis dit que si Yannick Buttet n’était pas au parc, il y avait moyen pour que ça s’anime un peu. Après, je me suis rappelé que le débat portait sur la pédophilie et que ce n’était pas si drôle que ça.

Mais il faut tout de même relever que visiblement ceux qui posent problèmes sont les jeunes qui suivent des cours de gymnastique et de foot entre 16 et 18 ans. Et on ne parle même pas de leurs goûts pour des sports relativement chiants, mais bien de la question de la fin de l’enfant et du début de l’adulte.

J’ai toujours cru que cela se faisait beaucoup plus tard, dès le moment où l’on paie des impôts et l’on prononce des phrases comme “on a bu un vin super tannique pendant notre escapade en Bourgogne” sans enchaîner par une blague à base de “tannique ta mère”.

Mais revenons à nos parlementaires, dont le travail est décidément étrange. Un débat à Berne consiste en un enchaînement d’orateurs au visage quelconque calé entre un front dégarni et des doubles-mentons. Chacun vient mettre son grain de sel dans la discussion en parlant fort. C’est comme un repas de famille, mais sans le vin, donc ça n’a aucun intérêt.

Ça devenait même carrément chiant et j’ai été rassuré quand celui qui annonçait les orateurs a dit que nous n’aurions pas le temps de traiter l’objet 16-39-58 ce soir. Parce que regarder une session au parlement permet de mieux comprendre la récente décision de Jean Christophe Schwaab. S’occuper d’un enfant qui souffre de troubles du développement demande certainement moins de patience que de devoir passer une soirée à discuter alinéas, clauses et articles.

Mais à ma surprise générale, Jean Christophe est apparu et n’a pas encore quitté le parlement :

Bon, il ressemble plus à Harry Potter ronchon après avoir perdu ses lunettes qu’à un conseiller national.

Rapidement, Nidegger est passé à la tribune pour répondre à Schwaab, qui lui a ensuite répondu. Je me suis demandé s’il voulaient qu’on les laisse. J’en ai profité pour aller pisser, histoire d’éviter la double peine “soirée seul chez soi” + Nidegger. A mon retour, JeanChri a fini de répondre à Yv’ avec une tentative de punchline. Il a eu le sourire du mec qui attendait une ovation ou un “POPOPOOOO” de Rap Contenders mais rien n’est venu. Ce n’est pas facile tous les jours, parlementaire.

Ensuite, un type louche a demandé si les bisous des “professeurs de musique à leurs élèves étaient considérés comme des gestes de faible gravité, parce que ça arrive” J’ai eu peur qu’il embraie par un “c’est pour un pote”.

Mais en fait – comme beaucoup d’autres parlementaires – il a répondu lui-même à sa question (”le bisous c’est une arme madame”) avant de commenter sa réponse. Tu mets ton oreille contre un coquillage, tu entends le bruit de la mer. Tu la mets contre un conseiller national, tu l’entends discuter avec son ego.

D’ailleurs, au bout d’un moment ils en avaient plus grand chose à foutre. Comme à l’école, tout le monde a commencé à faire ses affaires avant la fin et l’annonce des résultats du dernier vote. Avec 185 oui et 0 non, je pense que l’objet devait être : “Bon on va bouffer OKLM et on renvoie le texte aux collègues des Etats ?”

Lancé en pleine saison 5 de House of Cards (ça sert à rien de spoiler, je sais qu’à la fin Kevin Spacey se fait virer de la série), je ne pouvais pas enchainer directement par un épisode. C’est un truc mettre la santé de quelqu’un en danger. Comme si on faisait courir un vieux monsieur en déambulateur à la vitesse d’Usain Bolt, ou qu’on essayait d’expliquer à Lolita Morena la blague de “Juste Leblanc” dans le Dîner de cons.

J’ai donc bu un café en lisant l’article sur les problèmes d’alcool (lol) de Yannick Buttet en me disant que la politique c’est bien aussi quand il ne se passe rien.