L’autre jour, alors que j’étais sur mon scooter – roulant vers mon destin et un sacré retard de planning – j’ai repensé à la fois où j’avais commandé un manteau via un post sponsorisé sur Facebook. Je crois que l’image ressemblait à ça :

Ne me jugez pas, on a tous été jeunes et beaufs, et si ça se trouve certains d’entre vous le sont encore.

 

Je devais déjà être entrain de me voir pavaner au MAD avec un trench coat de connard, une boucle de ceinture de gros con et une jeans délavé moulant une virilité toute relative. Je crois qu’à cette époque, je voulais me prendre pour un vendeur d’assurances qui se prend pour un responsable marketing d’une banque: les apparats de ses ambitions et les 32 leasings qui vont avec.

Bref, je repensais à ça, me disant qu’à l’époque j’étais bête et qu’il faudrait que je m’achète une nouvelle veste d’hiver. Parce que celle que j’ai actuellement me fait me sentir bien habillé uniquement le dimanche matin, quand je vais au rendez-vous des “j’ai la gueule de bois et rien dans mon frigo” du quartier. C’est organisé vers 13h30 à l’épicerie du Valentin, vous devriez venir à l’occasion, c’est marrant. Ça pue la honte et l’alcool frelaté, et ceux qui n’ont pas de lunettes de soleil se font des clins de cernes.

Donc, je veux une nouvelle veste, mais je ne vais pas la commander sur internet. Puisque le précité modèle m’a été livré et que – comme sur Instagram, au Mc Do et sur Tinder – la photo était trompeuse. Le manteau était trop petit, mais avec des manches trop larges. Cette coupe hybride aurait réussi à faire passer n’importe quel homme classe et distingué pour le croisement entre un poilu de 14-18 et un contrôleur de bus de l’ex-URSS.

Tout ça pour dire que je serais allé m’acheter un manteau, si j’avais eu le temps. Ce qui n’était pas le cas, puisque je devais me rendre à Genève pour le spectacle de Mirko Rochat. Mirko Rochat qui détonne avec ses talons roses, Mirko Rochat qui connaît un “Enorme succès en Suisse, seulement 2 dates à Paris! Réservez vite!”, Mirko Rochat dont la promo est faite à base d’UNIQUES DATES DANS LA RÉGION avant même que l’on sache où et quand il joue, MIRKO ROCHAT COMPLET, Mirko Rochat dont le management cartonne en marketing (cela ne veut pas dire que c’est un artiste en carton, entendez-moi bien).

En effet, j’avais été invité par son agente qui a “pris le risque” de le faire suite à un article aussi bienveillant que sincère sur les gens qui s’endorment dans les salles de bains. Mais au fond, le risque n’en était pas un : sur scène, le résultat est propre et rythmé, le public rit et je comprends que cela plaise. Moi ça ne me parle pas mais ce n’est pas une raison pour dénigrer ce spectacle. A deux reprises, j’ai même senti et aimé sa sincérité crue. Le reste est étouffé par des personnages plus caricaturés que joués (l’homme qui va mourir parce qu’il est malade, la femme poussée à bout par ses enfants) et certaines vannes aussi prévisibles qu’un groupe de stand-uppers dans le métro. Au début, Mirko te dit qu’il va falloir parler à tes amis de ce spectacle (que tu vas aimer) et à la fin il se filme pendant des applaudissements spéciaux de selfie promo. C’est aussi énervant que je peux l’être parfois je suppose, donc assez parlé de goûts et de couleurs.

Non le vrai risque en m’invitant était que je pointe de la souris la communication de l’artiste :

Le plan de salle sur l’affiche : visiblement “La preuve!” de quelque chose d’autre que la sobriété.

 

Le public est accro sans accroC et il a aussi adoré en vidéo ici et ici (d’ailleurs dans cette vidéo, même le metteur en scène était venu comme spectateur lambda et a kiffé : le hasard fait bien les choses).

  

Tous les codes de la superproduction sont là, pour un artiste qui n’a pas encore conquis le grand public. Au fond, comme pour les manteaux commandés sur internet, les apparences sont parfois trompeuses. Sur Léman Bleu, Mirko disait d’ailleurs: “C’est un défi d’incarner ce qu’on n’est pas.”  Moi, je pensais qu’il parlait uniquement de ses personnages.

Cela dit, ce n’est pas une raison pour ne pas y croire. Mirko deviendra-t-il connu un jour ? Peut-être. Va-t-il nous les briser à coups d’UNIQUES DATES d’ici-là ? Certainement. Les poissons paraissent parfois un peu vite trop gros dans le petit bassin qu’est la Suisse romande.

Un peu à l’image des personnages du spectacle, c’est trop. Un trop qui ne rend pas hommage au potentiel de l’artiste, ni aux heures de travail et d’angoisses qui doivent se cacher derrière les rideaux d’un café-théâtre genevois.