J’ai mon rendez-vous chez le coiffeur, personne n’a envie d’aller à l’école, et j’ai mis un jeans. Bref, la vie semble repointer le bout de son nez (drapé de FFP2), mais suis-je le seul à trouver qu’il y a des ajustements à faire ? Je veux dire… On va pas éternellement faire des produits dérivés des phrases prononcées par les membres du Conseil Fédéral. Ou bien ?

Je vais pas non plus éternellement, comme tout à l’heure, ÊTRE CONTENT DE FAIRE DE LA PÂTE À PIZZA ! Il y a deux semaines, je soupirais en voyant les gens faire leur pain, et là je m’extasie de ma pâte à pizza. Et la pâte à pizza, qu’est-ce que c’est d’autre que de la pâte à pain qui a un but dans la vie ?

PARCE QU’AU BOUT D’UN MOMENT, il faut que je me le rappelle à moi-même : LA PIZZA ÇA SE FAIT DANS UN RESTAURANT, MERDE ! Il y a un serveur en chemise blanche qui a l’air pressé et pas sympa, jusqu’à ce qu’il vienne à ta table pour te chanter « Chianti, Montepulciano, Nebbiolo » en réponse à ton « vous avez du vin ouvert ? » monocorde – parce qu’en italien l’important ce n’est pas le vocabulaire, mais la partition. Et oui, pour ceux qui se posent la question : quand je parle de serveur pressé, je parle bien du Milan ou Da Carlo.
En temps normal, on peut aller la chercher et la manger chez soi, la pizza. Parce que c’est dimanche soir et qu’enfiler un jeans demande moins d’effort que de constater que le frigo est aussi vide que son âme en pensant au sens de la vie. Mais là, on a le temps. On va pas faire « rien » au carré.

La pâte à pizza est en train de monter dans la baignoire (ils disaient dans l’endroit le plus humide de l’appartement mais Natalie est au boulot) et moi je suis en pleine descente. Parce que quand tu ne travailles pas, tu te rends compte à quel point c’est bien de ne pas travailler.
C’est pas un oreiller de paresse que j’ai : c’est un plaid de paresse ! Avec un canapé de flemme qui surélève mes jambes, en face d’une télé de fainéantise où dedans il y a « Community » et où on passe automatiquement d’un épisode à l’autre pour moi, sans que j’aie le temps de me poser la question de ma mortalité.

Y a rien qui va pas, et c’est pour ça que ça va pas. C’est possible ça ?
Ce sentiment de trop plein qui accouche d’un vide vertigineux. Ou l’inverse, quand le vide remplit tout. Je sais pas, j’ai l’impression que ce paragraphe pourrait être de Guy Parmelin. Chier.

La paresse : ce n’est pas que je n’aime pas mon travail. Mais c’est bien travailler le problème. Plus qu’un -ler final, c’est toute la notion de contrainte qui pose problème. L’activité en tant que tel, ça va.
J’ai eu la confirmation de cela hier, quand j’ai pensé à une reconversion (rappelez-vous, je suis content de ma pâte à pizza, on est plus à ça près).
En analysant ce que je fais pendant ce confinement, je me suis rendu compte que je pouvais par exemple devenir « critique de séries », mais le problème, c’est qu’au bout d’un moment il faut l’écrire, la critique. Et ça, rien que d’en parler, ça me fait bailler comme la saison 1 de Glow.

Ce n’est pas le travail, c’est travailler, le problème. Et il faudra bien s’y remettre. Mais quand ?

Alors que nos courbes semblent aussi aplaties qu’avec une cure Biotta (au menu : des jus, des graines et une dépression nerveuse), on pense déjà à l’après. Pour quelque chose qui risque de durer 18 mois, on devrait plutôt parler du pendant.

Parce qu’après quoi ? Après, quand c’est « normal » ? Au fond de nous, nous savons que ce sera comme après la première fois qu’on a regardé trop longtemps une robe Desigual : plus rien ne sera jamais pareil.

Mais que ce soit après un mois de confinement ou un premier date, l’Humain a un besoin maladif de se projeter. Par exemple en vacances en Italie. Ou simplement chez Da Carlo.