La presse ne nous l’apprenait PAS lundi : l’armée suisse est un gouffre à fric monumental. Si l’on savait déjà que 5 milliards pour défendre notre pays c’était beaucoup, on ignorait qu’une partie de cet argent était utilisé pour attaquer Crans-Montana en hélicoptère et y faire des initiations au golf.

En résumé :

  • Chaque deux ans, les épouses des hauts gradés peuvent les rejoindre après un immense « séminaire » annuel (c’est le therme tactique pour dire « cuite »).
  • L’an dernier, c’est un Super Puma qui a fait des trajets à travers le pays (depuis Dübendorf, Emmen, Berne, Payerne et Lausanne) pour amener ces dames à la montagne. Problème, cet hélicoptère coûte 10’900 francs de l’heure : on peut effectivement parler de vol, sans que ce terme soit usurpé.
    Les participantes ont payé 100.- pour tout le week-end (nuit + repas + cours de golf + visite du lac St-Léonard compris pour un total de 7’007.-, largement supérieur aux 100.- par personne).
  • Et comme dans toute enquête journalistique qui se respecte en Suisse romande depuis quelques mois, il y a la question des frais de bouche.
    En 2014, les 22 participants au séminaire – à Elm (Glaris), cette fois – ont picolé pour 1’735.-. 24 Heures a fait le calcul : on arrive en moyenne à un solide 1,4 pour 1’000 si chaque participant fait 90 kilos (ils ont bien estimé, c’est vrai qu’entre hommes, on devient vite lourds). C’est l’épisode dit de « l’orgie à l’Appenzeller » qui doit pas être si loin des top recherches Youporn à Uri.
  • Du côté de la Confédération, on a visé la facture, mais on a quand même changé le règlement depuis. Par exemple, on ne peut plus inviter ses partenaires gratos.

A part qu’aucun politicien genevois n’est cité dans cette histoire, rien de vraiment surprenant : tout le monde sait qu’on boit à l’armée. Tout le monde sait aussi que si tu te retrouves à Elm pour une soirée c’est parce que tu es soit bourré, soit militaire, soit les deux.

On en arrive à se poser tout de même quatre questions et un problème de maths :

  1. Des gens vivent encore à Payerne ?
  2. Pour ces gens-là, la visite du lac St-Léonard est-elle une activité fun ou juste un moment où l’on a une plus belle vue ?
  3. L’initiation au golf a-t-elle été faite en vue d’une attaque des pays éponymes ?
  4. L’Appenzeller, vraiment ? J’avais de la peine à comprendre ce qui sort de la bouche des Suisses-Allemands, là j’ai encore plus de peine à comprendre ce qui y rentre.
  • Vous devez parler à Guillaume Barazzone, est-il plus avantageux de lui téléphoner et qu’il vous facture l’appel OU de payer un Super Puma depuis Emmen jusqu’à Genève, sachant qu’il peut voler à 257 km/h mais seulement aux heures de bureau ?

Que cette affaire ne vous donne pas envie de faire l’armée. Le budget nourriture n’est pas celui annoncé dans les médias. Et le truc le plus chouette que j’y ai fait, c’est rendre mon matériel.
C’est bien simple, depuis mon école de recrue, je considère l’armée comme une sorte d’atelier protégé géant, maintenu uniquement pour faire plaisir à quelques professionnels surpayés qui seraient trop fragiles pour accepter l’idée que leur pays n’ait pas besoin de se préparer à une guéguerre et que leur boulot ne serve strictement à rien.

Déjà, qui voudrait envahir un pays pour ensuite devoir supporter des Suisses-Allemands, ou encore pire, des Valaisans ?
Et puis, les envahisseurs n’ont qu’à se balader sur le site de la Confédération pour savoir à quoi s’attendre au niveau de l’équipement des forces terrestres et aériennes. Alors oui, sur le papier, « 369 Chars de grenadiers M 113 » (dont 58 immobilisés depuis 3 ans) ça intimide.
Mais, chers envahisseurs, dites-vous qu’à l’intérieur il y a des types cons comme des grenadiers et autour des types aussi incompétents pour l’affrontement armé que moi. Rien qu’à mon corps, on voit que j’ai fait la guerre. Bon, c’était contre les abdos mous, mais je n’ai pas encore totalement perdu.

L’armée, c’est surtout combattre l’ennui. Assez rapidement, ceux qui ont embarqué un livre comme arme se sentent en infériorité numérique, bien qu’en supériorité de curiosité intellectuelle. Ajoutez à cela l’absence de femmes et vous entendrez de la bouche de vos camarades des phrases (véridiques) du genre : « Je vais quand même appeler branle-nouille » pour signifier le désir d’un entretien téléphonique avec sa dulcinée.

Alors oui, l’armée est une « école de la vie »… Comme il y en a tant d’autres. Déjà, une école où l’on utilise des fusils d’assaut, je me méfie : il n’y a qu’à voir ce que ça donne aux Etats-Unis mais en plus efficace (Après la fusillade de la semaine dernière, est-ce trop tôt pour écrire ça ? Faut-il attendre autant de jours qu’il y a eu de morts ?).

Alors que Guy Parmelin – comme un enfant unique mal élevé –  alterne les pleurs et les menaces lorsqu’il s’agit du budget de l’armée, cette affaire nous fait peut-être dire qu’il y a des moyens d’optimiser un peu. Rien qu’en apprenant que la soirée annuelle du rapport de l’armée a coûté 580’000 francs pour 4’014 collaborateurs, en 2015.

Tout ceci est relativement rassurant pour les incompétents de la guerre comme moi. La plume des journalistes sera peut-être plus forte que la baïonnette des militaires. Cela dit, il n’y a pas non plus de quoi fanfaronner : c’est l’armée suisse en face et manier une arme quand on a 1.4 pour 1’000, c’est difficile.