Hier, c’était fin d’après-midi viril pour la soirée d’ouverture du salon Man’s World. Evénement qui soulève d’épiques questions de genre : “S’il y a un salon de l’homme, cela veut dire qu’il y a une vision de l’homme. Alors qu’est-ce qu’un homme ?”

Question que l’on ne va pas aborder ici, puisque c’est beaucoup trop dangereux. Depuis une levée de commentaires Facebook suite à un article hébergé ici-même, je me méfie. Surtout si c’est pour revivre des échanges virtuels d’une agressivité et d’une intensité rares :

La violence 2.0

 

Mais, comme dirait un zoophile impatient : “revenons à nos moutons.” J’étais donc en route pour Man’s World, accompagné de la crème de la virilité romande : Jonas Schneiter (écolo autodidacte) et “vous êtes Thomas Wiesel ? J’adore Quotidien.” Thomas Wiesel qui est tellement drôle que parfois, même ses blagues rigolent à ce qu’il dit.

Tous les trois (ou les 6 couilles, c’est selon), nous étions prêts à scier du bois, sous les ailes d’un avion de chasse, tout en buvant de LA BINCH pendant qu’une voiture de sport roulerait vite à côté, alors que nous regarderions l’heure sur nos grosses montres pour voir depuis quand LA BIDOCHE est sur le grill, avant de partir en moto pour aller boire un café chez le barbier, avec nos chaussures en cuir et nos cravates, comme semblait le promettre la vidéo de présentation du salon. On était même prêts à tenter le combo : énorme pet – blague misogyne, genre “HEE s’il y a le salon de l’homme, HEEE ça veut dire qu’il y a la cuisine de la femme HEHEHE” – tapes sur les cuisses – coup de poing viril sur l’épaule.

Et bien pas du tout. Figurez-vous que nous sommes arrivés dans une halle de Beaulieu remplie de mecs avec des chemises, des grosses barbes ou des petites moustaches, et des gilets. On avait pas vu autant de bretelles depuis un film de gangster des années 50, ou que maman a arrêté de me forcer à en mettre, il y a 17 ans. Dès lors, dfficile de se fondre dans le décor, surtout quand tu te ballades avec un animateur de 6m20 (si on compte l’égo) et un humoriste qui arbore un t-shirt “I watch porn for the soundtrack”.

Après le verre de bienvenue, qui n’était pas un shot de bile de serpent de bonhomme, mais plutôt un cocktail fruité de fragile, nous sommes allés nous balader entre les stands (tous faits en bois, une matière virile puisque c’est bien connu : les hommes n’ont pas peur des échardes).

Comme nous ne voulions ni acheter d’appareil pour “charger son téléphone de manière élégante et sans câble”, ni de bateau, ni de tour en hélicoptère, encore moins de femme de ménage ou d’équipement de camping pour motard et pas non plus de simulateur de course ni de quads, nous nous sommes vite dirigés vers les tables de mini ping pong.

L’occasion d’admirer un duel Schneiter-Wiesel, qui est à Federer-Nadal ce qu’un discours de Guy Parmelin est à un discours politique : presque la même chose, mais en plus décousu et surtout en plus drôle.

Ce n’est pas que les stands n’étaient pas intéressants, mais je dois dire qu’aucun des services proposés semblaient convenir à ma condition d’homme. Je m’explique.

J’ai un rapport très conflictuel avec les tâches manuelles, surtout quand il s’agit de construire quelque chose. Par exemple, je n’ai aucun problème pour manier un aspirateur, mais dès qu’il faut monter un meuble, je suis aussi agile de mes dix doigts qu’un manchot qui aurait Parkinson :

  • J’ai failli m’électrocuter deux fois en installant la lampe du plafond de mon salon
  • Le dernier meuble télé que j’ai construit a commencé à s’affaisser sous le poids d’un montage approximatif

En revanche, j’ai été très fier d’avoir réussi à monter la commode la plus bête du monde (5 planches, deux tiroirs) en deux heures, le sourire niais et transpirant, l’air de dire à l’amie qui m’avait appelé à la rescousse : “Et ouais ma p’tite dame… C’est moi qui ai fait ça.” Donc, un service de montage de meubles ça aurait été bien.

Pareil pour les petites bêtes. Le couple est un équilibre complexe où chacun doit apprendre à accepter les différences de l’autres et où moi, je dois tuer les araignées et autres cafards. L’occasion de vous raconter mon combat épique contre un cafard de mon ancien appartement (lui même très ancien) et qui a terrorisé ma copine :

J’étais à la salle de bain, presque prêt à rejoindre mon lit et une nuit à deux, lorsqu’un cri strident s’est échappé de ma chambre : “BENJAMIIIIN VIENS !” Persuadé que le désir était trop fort pour que je finisse de me brosser les dents, j’ai répondu à cet appel de l’amour, en débarquant nu dans ma chambre en courant. C’est là que j’ai trouvé Maude, assise sur le lit, la bouche cachée derrière ses genoux repliés, qui montrait du doigt un cafard qui se baladait sur mon parquet, en me disait d’un ton autoritaire : “Enlève-moi ça de là.” Comme si c’était mon pote et comme si elle n’avait pas idée que j’avais envie d’adopter la même position qu’elle, mais encore plus loin du cafard (genre sur la table de la cuisine).

Il était évident que je me devais de réagir. J’ai donc dit : “J’arrive.” et j’ai couru à la cuisine. En passant devant la porte d’entrée de l’appartement, l’idée de partir en courant m’a effleuré l’esprit. Mais il était 23h et j’étais à poil. Je suis revenu dans la chambre armé d’un gobelet et d’une feuille de papier, ustensiles sensé compenser l’absurde de ma tenue de combat (à part faire l’amour, n’importe quelle activité pratiquée nu semble ridicule).

J’ai mis le gobelet sur le cafard, glissé la feuille sous le cafard et le gobelet, puis je me suis dirigé vers la fenêtre pour vider le gobelet en direction du balcon de mes voisins. Pendant tout ce processus, j’ai tenté de garder ma superbe, malgré les petits “yeuglglglg” que je prononçais pour me donner du courage.

Tout ça pour dire qu’un stand d’ustensiles autres que des gobelets et des feuilles (pour les cafards) ou n’importe quel journal (pour les araignées), ça aurait été bien.

Mais, comme dirait un berger qui serait parti : “revenons à nos moutons.” Après le mini ping pong, nous sommes allés aux stands bières et nourriture, dehors (si l’homme n’a pas peur des échardes, il n’a pas non plus peur du froid).

On y a croisé un autre public-cible du salon, rasé celui-ci : le jeune cadre dynamique qui vit de costumes chers et d’afterwork. Genre le Loup de la Rue de Bourg. L’occasion d’entendre : “Tu as vu la taille de mon porte-monnaie ? J’ai pas la place pour des cartes de fidélités. J’ai 12 visas.”

Jonas est parti (sûrement vexé, parce qu’il n’a que 11 visas), quelqu’un a dit à Thomas Wiesel qu’il “adorait Quotidien” et nous avons retrouvé des gens. J’ai même parlé fitness avec des filles, pendant que la plupart des mecs devaient certainement être en train de parler crème hydratante pour barbe, en choisissant un noeud papillon accordé avec leurs chaussettes. J’ai trouvé ça bien.

Parce qu’en fait, Man’s World est plus le salon des contrastes que celui des hommes. Des blagues douteuses qui côtoient des kits pour sortir bien propre des WC :

Mais aussi des chaussons moches à enfiler avant de monter pour ne pas salir ton hors-bord stylé :

Et au fond, on va rester là-dessus, puisque je n’ai pas de chute et que personne n’a voulu répondre à ma question “S’il y a un salon de l’homme, cela veut dire qu’il y a une vision de l’homme. Alors qu’est-ce qu’un homme ?” (Un type a essayé, il a commencé par me dire : “tu vois, moi j’ai un quad par exemple.” Après, je ne sais plus, j’ai décroché.)

On va rester là-dessus puisque, comme mon chat, rien n’est tout noir ni tout blanc.