de Benjamin Décosterd, (initialement) pour se lever à 8h20

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Le brouhaha silencieux

Depuis vendredi dernier, c’est le désordre.

Mes fils d’actualités s’emmêlent comme des écouteurs dans une poche (cette métaphore est so pré-AirPods). À force de lire tout et son contraire, on ne sait plus si on doit sauver les artistes menacés par le Coronavirus ou s’il faut lyncher le monde du cinéma. Bon, vu les pratiques sexuelles des réalisateurs, ça pourrait leur plaire, remarque.

J’écris parce que hier j’ai vu passer ça :

Oui, la « détresse existentielle ». Sur ce coup, l’industrie musicale me fait penser à ma grand-maman valaisanne :

« – Tu veux ma mort, c’est ça ?
– Non, grand-maman. Je ne peux juste physiquement pas manger une autre part de ton délicieux gâteau.
– Tu ne m’aimes plus, de toute façon. »

Alors attention, soyons d’accord, c’est chaud. Le Coronavirus serait arrivé avant la Revue de Lausanne que vous auriez déjà entendu parler de ma « perdition finale » ou de mon « désarroi ontologique ». Moi-même indépendant, je suis conscient de cette précarité.
Mais c’est bien parce qu’elle est permanente que je m’étonne de lire certaines choses, notamment dans la pétition pour « la création d’un fonds d’indemnisation pour les intermittent/es du spectacle en Suisse » : « Pas de prestation = pas de salaire! »

Oui. Et ?

C’est la nature même de notre statut. Notre quotidien consiste à nous sortir seuls de cette logique stressante. On l’a choisie, ou du moins tolérée, me semble-t-il. Que l’on soit ingénieuse du son, danseur, ou auteur/chroniqueur/connard dans la comm’.

Les mesures du Conseil Fédéral peuvent paraître de prime abord extrêmes, ou risibles. Si l’on écoute les médecins et que l’on regarde les chiffres, cela devient tout de suite plus pertinent (allez vraiment lire cet article, c’est salutaire en cette période de doute). Si l’on ne fait rien, ce sera visiblement encore plus chaud. Et les intermittent/es du spectacle ne pourront même plus travailler dans des salles de plus de 1 personne. Chanter sous la douche sera encore juste toléré, c’est dire. À condition qu’il y ait du savon.

Il faut le dire aussi, la communication de nos élus est assez mauvaise. J’en veux pour preuve l’intervention de Philippe Leuba mercredi au 19h30. Après deux heures de séance du Conseil d’Etat avec le médecin cantonal, Leuba se lance dans des explications.

Quand quelqu’un explique ce que quelqu’un a expliqué, c’est jamais simple… Mais là, c’est carrément le téléphone arabe, mais avec un abonnement Sunrise.
Et les pannes de Swisscom.
Et tu captes Bouygues parce que Salt prend Ouchy pour la France.
Nonobstant.

Quand on écoute Leuba hier, on comprend tous les mots, mais pas les phrases. On devrait utiliser cette interview en prévention des AVC, pas du Coronavirus.

Voilà, j’ai ajouté mon petit couinement narcissique sur l’actualité.
Ça a moins de gueule et de conviction qu’une tribune sur les Césars dans Libération. Ou qu’une réponse dans Marianne, suite à la tribune sur les Césars dans Libération. Ou qu’une chronique sur Europe 1, pour commenter la tribune sur les Césars dans Libération et appuyer la réponse dans Marianne.

Mais au fond, le grand brouhaha silencieux des réseaux est peut-être salutaire, si l’on fait l’effort de ne pas que lire ce avec quoi l’on est d’accord. Comme pour développer les anticorps de notre sens critique.
Sinon, il risque – au bout d’un moment – d’y avoir une contradiction trop forte entre notre monde inclusif et nos opinions binaires.

Calcul > Art ?

On a appris cette semaine que Pixar avait introduit son premier personnage lesbien dans un de ses films.

Mais dans ce genre d’actualité, de toute façon, ce n’est pas l’annonce qui est la plus passionnante. Ce sont les commentaires. MAIS LE VIDE INTERSIDÉRAL. Ah mais ça donne plus le vertige que de regarder une star de télé-réalité dans les yeux. Allez, faut juste pas regarder en bas :

Oui, c’est commentaire a été modifié.
Un jour, les gens comprendront que les homosexuels n’ont pas choisi de l’être. Comme nous n’avons pas choisi de vivre sur la même planète qu’Hedia.
On vient de le dire, C’EST PAS UN CHOIX, il faut suivre. Cette phrase va néanmoins te plaire, puisqu’il y a une morale universelle à la fin : tu es con, Yassine.

Et on finira sur un magnifique et désormais bien connu :

Même si nous sommes d’accord que l’homosexualité n’est pas comme le hand spinner, nous sommes en droit de nous poser la question du but recherché par Pixar. Volonté de « représenter le monde moderne » ? Coup marketing ? Est-ce qu’ils font ce qu’ils veulent et à la limite on s’en fout ? A toutes ces questions, on serait tenté de répondre « oui ».

Même si moi, ça me choque que des gens puissent penser d’abord à la communication, au marketing et à gagner leur vie avec l’art, avant de penser à la beauté de faire quelque chose d’engagé et personnel pour « interpeller sur la sexualisation des gendarmes couchés et leur représentation dans l’espace public, où quand l’urbanisme devient métaphysique et rencontre l’érotisme. En gros, la rue nous baise-t-elle, ou est-ce l’inverse ? »

Non, vraiment, moi ça me choque ce cynisme commercial qui consiste à « être dans l’époque ». Allez, pour se remettre, une photo de chat (dont les dimensions n’ont pas du tout été calculée au pixel près pour faire un bon aperçu d’article) :

Bojack me manque.

Et puis de toute manière, la vie privée des héroïnes et des héros de films nous intéresse-t-elle vraiment ? Jack, il aurait voulu niquer le capitaine du Titanic, plutôt que Rose, qu’est-ce que ça aurait changé ? Bon oui, d’accord toute l’histoire. Mais le personnage, il reste le même. Et il baise qui il veut.
Même nous, sur le prix du pop-corn et du billet parce que bientôt, en plus des lunettes, il faudra une combinaison sensorielle, un parapluie et de la crème solaire pour aller au cinéma (suivant le film, il pleut aussi dedans maintenant, ça ne m’étonnerait pas qu’ils ajoutent des UV bientôt.).

Et vraiment s’il y en a que ça choque. Si vraiment il y a des gens – en 2020 – qui pensent que leurs enfants peuvent « devenir lesbienne » à cause d’un film, l’héroïne en question est une licorne cyclope dans une histoire où les héros sont des elfes. Il y a assez d’éléments pour que ces enfants puissent rester dans le monde merveilleux dépeint par leurs parents, celui où les personnes homosexuelles n’existent qu’au pied des arcs-en-ciel magiques, mais « EN TOUT CAS PAS DANS NOTRE FAMILLE, MAÉVA. C’EST QUE LES CHINOIS QUI BOUFFENT DES CHATTES. ET D’AILLEURS ÇA DONNE LE CORONAVIRUS. »

© Disney Pixar

Je vous mets la photo du personnage (secondaire, faut pas déconner non plus). Comme ça vous l’avez vu. Parce qu’entre nous le film a pas l’air dingue. Vivement que la diversité s’invite aussi dans les scénarios : là, ce sont deux enfants qui apprennent à dompter la magie, ce pouvoir oublié (au hasard, métaphore de l’émerveillement enfantin dans un monde moderne où les gens ne rêvent plus, SANS BLAGUE ?!) mais ressuscité par une lettre posthume de leur père (qu’ils n’ont évidemment jamais connu) qui veut – grâce à la magie – être ramené à la vie pendant 24h, pour voir ce que ses progénitures sont devenues (métaphore du fait que, comme le disent si bien les influenceurs lifestyle/coaches de vie/habitués de l’ORP : « si vous croivez dans vos rêves, vous puissiez dans la vie!!! »)

Bref, si la question des stéréotypes dans les dessins animés vous intéresse plus qu’en lisant un post de blog de mâle-blanc-hétéronormé-et qui a les moyens d’acheter du bio, je vous conseille l’excellente émission de « Tribu » sur le sujet. On y apprend plein de choses, notamment qu’il y a un sociologue qui est payé pour regarder des dessins animés.

Les Beaux Parleurs – 23 février

Le procès de Julian Assange en extradition aux Etats-Unis débute ce lundi 24 février. L’occasion de se demander : C’est quoi WikiLeaks ? Le Canton de Genève doit-il accueillir Assange ? Ou encore : mais qu’est-ce qui est pire, la prison ou le canton de Jura ?

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