Vous allez bien ? Quelle coïncidence, moi non plus.
Plus que quelques heures avant que je ne puisse plus jamais sortir du bistrot dans lequel j’écris ces lignes. En effet, je suis attablé à l’intérieur et mon masque en ffp-tissus est à la maison. Si cet article s’avère aussi long que prévu, je vais me retrouver coincé, puisque demain, à 15h00, et avec l’entrée en vigueur des nouvelles mesures dans le canton de Vaud, la distance qui me sépare de la porte se transformera en délit. Deux mètres d’illégalité : un gouffre pour l’enfant de l’Avenue de Rumine que je suis (avenue où la seule herbe qui circulait, c’était du thé, puisqu’il y avait deux tea-rooms).
Dans 28 heures, je serai condamné à consommer, à table, jusqu’à ce que mort s’en suive. La serveuse pour médecin, le café pour morphine et la dernière bière pour dernière bière (ou inversement). Heureusement, je serai bien traité par mon personnel soignant de fortune : je ne suis pas au Café Romand.
Autour de moi, il y a une carte rien que pour les thés (qu’est-ce que le Sirocco bio, en mousseline naturelle et pourquoi cela coûte-t-il 4 francs 20 ?) Il y a aussi une cliente qui regarde le contenu de sa poussette hors de prix avec autant d’admiration que si sa progéniture avait inventé le quinoa. Pas de doutes, je suis bien dans un café bobo.
« Mais moi j’ai pas bu une chope. » Une dame, à l’âge proportionnel aux décibels émis, est venue s’assurer qu’on ne lui avait pas facturé une bière trop cher l’autre jour. S’en suit une présentation de tous les différents types de verres à bière par la serveuse du café bobo. Après cinq minutes de négociation, le verdict tombe : La dame avait bel et bien bu une chope de blanche l’autre jour. Elle l’a trouvé très bonne. Fin du suspense.
Je peux donc me replonger dans le visionnage de la conférence de presse d’hier, pour savoir ce que je risque à marcher sans mon masque dans un bar. Quatre conseillers d’Etat pour 45 minutes de présentation, et une pelletée d’articles pour présenter les mesures prises. Si nos élus l’ont dit – « la priorité est le domaine sanitaire » – aucun journaliste n’a eu le courage de se retaper l’entier de la conférence de presse pour compter le nombre de fois où les mots sanitaire/santé ont été prononcés.
Je l’ai fait ((de rien)(vous me devez 1h de vie, plus 9h pour le ressenti)). Bilan : sanitaire/santé 6 ; économie, économique 11. Est-ce de l’analyse politique de comptoir ? Peut-être, mais j’écris dans un café, alors bon. Et puis, on a le Clément Viktorovitch qu’on mérite.
Au niveau du décompte, il est aussi important de relever les cinq aussi … que possible, qui n’ont débouché sur aucun que nécessaire. On a les Alain Berset qu’on mérite.
Sur la forme, les larmes de mars ont fait place à un ton très formel et procédurier. Tellement formel que la conférence de presse a parfois consisté à regarder – sur la Télé Vaud-Fribourg – la projection d’un PowerPoint de l’Etat de Vaud sur un mur triste. Ce qui est un peu à l’ennui ce qu’Inception est au cinéma :
Sur le fond, rien à signaler, à part peut-être le rire nerveux de Rebecca Ruiz sur : « le dialogue entre le Canton et l’OFSP… Enfin le dialogue que l’on essaie d’avoir avec l’OFSP. » LOL. C’est rassurant.
Et puis, après 16 minutes et 40 secondes d’introduction et de présentation de la situation sanitaire, Philippe Leuba est arrivé pour expliquer les mesures vaudoises. Et il fallait tellement expliquer, qu’il a voulu donner des exemples à chaque fois. Le problème, c’est que les exemples, ils ne sont pas sur le PowerPoint. Donc, il faut partir en freestyle. Florilège :
Comme toutes les bonnes choses ont une fin, les Conseillers d’Etat sont passés à la dernière partie de la conférence de presse : l’explication des procédures à suivre pour les manifestations. Autant vous dire que c’est long. Après 46 minutes, j’avais envie de m’ouvrir les veines avec le papier de la fiche explicative pour « les manifestations publiques ou privées accueillant moins de 300 participants ».
Heureusement, c’était l’heure des questions. Et rebelote, il fallait bien sortir des exemples, au moment de répondre. Nuria Gorrite s’est lancée :
Avant que Leuba lui réponde. On se serait cru dans le Top 50 :
La parenthèse musicale refermée, le clou du spectacle pouvait être planté. Après une heure, quatre minutes et cinquante-six secondes d’attente insoutenable, il est arrivé : Karim Boubaker.
Le torse légèrement déconfiné sous une chemise blanche et une absence de cravate. L’expérience requise en de telles circonstances symbolisée par sa barbe poivre et sel, qui amène néanmoins le petit piment du style baroudeur de celui qui en a vu, des malades. C’est bien simple : après Berset, c’est le deuxième standard post-COVID de charme. Voilà un vrai sujet pour Femina, au lieu des quizz pour savoir « Quelle salade estivale êtes-vous ? »
Donc, Boubaker est sobrement venu rappeler qu’il fallait pas mettre la flambée de l’épidémie sur le dos des traçeurs. L’infirmerie était remise au milieu du village. Un peu plus tard, il a insisté sur la capacité d’adapter le nombre de places en milieu hospitalier. Boubaker rassure la ménagère de plus de 65 ans, tout en lui donnant envie de jouer au docteur. Sobre, efficace.
Et finalement, après 84 minutes minutes de diffusion, la régie publicitaire de la Télé nous a prouvé sa capacité à mettre ses annonceurs dans le contexte rédactionnel idéal :
Bref, traînez pas dans les bistrots sans vos masques.
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